mercredi 13 septembre 2017

Titus d'Enfer

Friedrich
Encore un titre qui sort de ma LAL. Je crois que ce roman étonnant de Mervyn Peake attendait son heure depuis près de dix ans. Et il a failli attendre plus lorsque j'ai commencé ma lecture car je n'entrais pas du tout dans l'ambiance. 

Tout se déroule dans Gormenghast, le château ancestral des comtes d'Enfer. Véritable labyrinthe où le lecteur s'égare, il héberge des êtres curieux, confondus avec leur fonction. Le comte, sa femme, ses soeurs, sa fille Fuchsia et son fils, Titus, dont la naissance met en branle le rythme immuable des cérémonies du château pour son futur comte. Il y a aussi tous les serviteurs, Nannie Glu, nurse, Lenflure, chef cuisinier obèse et doucereux, Craclosse, au service du comte et dont la maigreur fait craquer les os, le docteur Salprune, etc. Il y a aussi Finelame, un jeune homme ambitieux et malin, échappé des cuisines de Lenflure, qui compte bien s'imposer comme un incontournable de Gormenghast. Et puis, il y a ces personnes qui vivent autour du château, peuple de sculpteurs voués à la vieillesse dès 20 ans.

Histoire de la première année de Titus, l'héritier de Gormenghast, histoire d'une année de changements, d'étranges craquements dans le déroulement routinier et monotone des jours, voilà ce qu'est en partie ce roman. Mais il est surtout un objet étrange, poétique, gothique et fantastique. Il conjugue des idées superbes et saugrenues, des personnages absurdes, grotesques et caricaturaux, des lieux antiques et secrets, plein de couloirs, d'escaliers, de toitures et de greniers.

J'ai adoré la pièce des chats ou le lien de la comtesse avec ses oiseaux :
"Ils passèrent sous une voûte sculptée, au fond de la pièce, et refermèrent la porte derrière eux. Alors Finelame entendit de nouveau la rumeur, car les chats blancs s'étaient remis à ronronner à pleine gorge, sur un rythme lent et régulier qui évoquait la voix de l'océan dans l'oreille d'un coquillage"

Ou encore l'arbre de Cora et Clarice aux racines colorées, la chambre des racines. Le grenier de Fuchsia et sa forêt. La bibliothèque du comte, si chère à son coeur. La disparition du comte est aussi anthologique. Tout comme le combat de Lenflure et Craclosse.

Finelame est un peu agaçant, sournois et manipulateur. J'aurais aimé qu'il se prenne un peu plus les pieds dans le tapis. 
"Époustouflante, dit Finelame, est un mot du dictionnaire. Nous sommes tous prisonniers du dictionnaire. Nous nous contentons de faire travailler les forçats de cette vaste prison de papier, les petits mots imprimés noir sur blanc, alors que nous avons un besoin urgent de mots nouveaux, de sons nouveaux, d'effets nouveaux. En langage aussi mort que la rime des poètes, Excellences, vous êtes époustouflantes, mais que ne puis-je inventer un son flambant neuf pour vous communiquer ce que je ressens à vous voir, assises l'une près de l'autre devant le feu, dans votre splendeur pourpre ! Mais non, c'est impossible. La vie est trop éphémère pour les onomatopées. Le poids des mots morts m'étouffe, et je ne puis trouver aucun son qui exprime ce que je ressens"
L'ensemble est fabuleux, c'est un conte noir, qui désarçonne son lecteur autant qu'il l'émerveille et le fascine.

6 commentaires:

  1. Article très intéressant ! J'ai depuis longtemps la trilogie de Mervyn Peake dans ma PAL, et comme vous, j'ai démarré le premier tome pour l'arrêter quelques dizaines de pages plus loin, ne parvenant pas à me plonger dans l'histoire. Je pense que je vais lui redonner sa chance un de ces jours ! :)

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    1. Il faut entrer dans le monde et ensuite, ça passe tout seul !

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  2. J'ai eu quelques lectures gothiques, je ne suis pas toujours fan... mais c'est un genre intéressant (en tant que genre littéraire à étudier par exemple). ;)

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  3. Celui là il faut absolument que je le lise, j'ai pu avoir la chance de l'étudier dans mon cours de symbolisme en histoire de l'art puisque l'écrivain est aussi artiste et qu'il a dessiné des illustrations pour Alice au pays des merveilles. Puis je crois que son roman regorge de référence aux mythes grecs.

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